Est-il rien de plus excitant qu'un adultère ? Ces rendez-vous secrets, ces courses comme des échappées, et surtout, surtout, l'Autre. L'autre qu'on peut haïr, et qui pourtant complice, l'autre qui gêne un peu, et pourtant nous rapproche, l'autre qui est ce lien et pourtant la menace, l'autre autour de qui tout un jeu s'organise, l'autre toujours présent comme une ombre, un amer. L'autre, c'est tout ce monde qu'on voudrait briser, mais contre lequel on serre ses fragiles amours, l'autre c'est l'excitant thuriféraire aux alcôves moites, c'est le mensonge enfin rachetant la pureté, la fange délicieuse à la rue du lit, le feu du naufrageur sur les traîtres brisants où s'abîmeront ces amours scélérates...
L'autre... L'autre à qui l'on arrache la livre de Shylock, avec cette impression de sauver une vie, ô à peine, quelques instants de vie, libre et enfiévrée, un atome de bonheur instantané qui va durer toujours au moins jusqu'à demain...
L'autre qui toujours endossera la faute, l'autre qui est la cause et le prétexte, l'autre qui a violé les chairs que l'on vénère, mais violé lâchement dans le respect du jeu, tandis que nous froissons nos peaux dans des langueurs d'alcools, tandis qu'adolescents nous jouons la passion...
Mais faut-il que cet autre nous obsède à ce point, que sitôt disparu, perdu à nos mémoires, nous n'ayons d'autre urgence que d'atteler à deux pour une course vaine où notre devenir est un but un peu flou que nous appelons : nous ?
Si m'en croyez vivez les amours clandestines, si elles ne le sont plus piquez-les d'interdits, de courses et de bruits, mais jamais n'aimez quiètement.
C'est votre obligation pour n'être jamais l'Autre.
15 novembre 2007