Je fume.
Je fume et je vous emmerde. Tous.
Avant, j'étais plutôt urbain. J'offrais mon perlot à qui en voulait, et je m'enquérais, avant d'en griller une en société, de l'éventuelle indisposition qui pourrait résulter pour mon entourage immédiat de mon inclination pour l'herbe à Nicot.
Aujourd'hui : tiens, fume !
Dès que je trouve un endroit où l'on peut encore en griller une sans qu'un importun sonne la maréchaussée, je fume comme une cheminée d'usine (d'avant les délocalisations bien entendu). Et gare à celui qui voudrait revendiquer son intégrisme de non-fumeur : qu'il aille donc respirer ailleurs !
Ces gens sont insupportables. Les non-fumeurs. Les ayatollahs de l'air pur. Ils promènent leur vindicte dans un relent d'eau de cologne du Mont St Michel, un peu comme les bigots sentent la sacristie. Ils jouent les flics. Ils adorent ça. Ah, cette ivresse du pouvoir, ce plaisir de morigéner, cette soif de délation... "Vous n'avez pas le droit de fumer ici ! Çe n'est pas bien, vous savez ? Je vais appeler un agent si vous continuez..."
Bande de foutriquets revanchards, race de bignolles, pousse-mégots !
Je fume parce que j'aime ça. Et parce que je suis aimable.
Un homme, ça sent le tabac brun ou le Virginie ; un homme, ça offre du feu à une femme. Et la femme allume la cigarette de l'homme qu'elle aime, et la lui glisse entre les lèvres...
Quand je suis entré en prison, ma première consolation, ma première fraternité, mon premier plaisir fut une cigarette. Et quand j'en sortis, c'est le dos au porche de la Santé que je grillai les premières secondes d'une liberté retrouvée.
Après l'obligation du casque à moto (il m'arrive assez souvent d'enfourcher la mienne en oubliant totalement cet inutile accessoire), après l'obligation du port de la ceinture de sécurité (heureusement, ma corpulence me permet d'échapper à cette brimade), après la limitation de vitesse et l'abaissement à un seuil ridicule de l'alcoolémie autorisée au volant (alors qu'il est évident que tout ceci n'a que peu d'incidence sur le taux des accidents de la route, il suffit de comparer les chiffres en tenant compte de l'accroissement du parc automobile), après toutes ces libertés entravées, circonscrites, on s'attaque désormais au plaisir !
Et déjà se profile l'interdiction du gras, l'interdiction du sucre... Et pourquoi pas, comme dans certains états américains, l'interdiction de certaines positions ou certains usages sexuels ?
Quand on en est à interdire la pipe...