On avait "découvert l'horreur".
On avait dit (une fois de plus) : plus jamais ça !
Et puis on recommence.
Combien de temps faudra-t-il ?
Au fond, l'attitude de l'Allemagne (son gouvernement, certes, mais aussi son peuple) envers les juifs est-elle radicalement différente de notre attitude (celle des gouvernements, mais aussi des peuples européens) envers ceux que l'on appelle immigrés illégaux, sans-papiers, en-situation-irrégulière ?
Je sais qu'il y a une différence de taille : nous n'en sommes pas encore à la volonté d'éradiquer une race par l'application d'un plan industriel. Le fond est différent.
Mais la forme ? Vilipender, et déshumaniser : la méthode est la même, seules les victimes désignées sont différentes.
D'abord, les réduire à une désignation : les immigrés n'ont pas de pays, pas de racines, pas d'histoire. Certains sont même "issus de l'immigration" : parentèle monstrueuse, génération spontanée, parthénogenèse ? Mais en tout cas ce ne sont plus des hommes. Ils se désincarnent en statistiques, en chiffres, en masses de couleur...
Ensuite, cette désignation est chargée de tous les maux : l'économie bat de l'aile ? C'est leur faute. Le système de couverture sociale est déficitaire ? C'est leur faute. L'insécurité ? C'est leur faute... On n'a même plus besoin de leur faire porter un signe distinctif ou de signaler leurs maisons, leurs commerces : dans son infinie bonté, Dieu (le nôtre, hein, attention, on mélange pas !) les a faits vraiment différents, on les reconnaît tout de suite, et tout de suite on leur donne le nom d'une couleur : c'est quand même plus pratique que d'avoir à se pencher sur des détails (nez, oreilles, doigts crochus, etc) pour se décider !
Enfin, réduits à l'état de troupeau, on les parque. Derrière des barbelés, de préférence : une vieille habitude...
On ne les envoie pas à la mort. Pas tout de suite. On en utilise quelques-uns, parce que c'est une main d'œuvre docile et bon marché, dans une sorte de tolérance amorale, ou plutôt dans l'ordre moral du profit.
Et on les renvoie, dans un ailleurs qu'on appelle chez eux, menottés, drogués, sourds à leurs cris...
Chez nous, on a Brice Hortefeux. Un brave homme, soucieux de préserver la France des hordes d'untermenschen. Un type froid, organisé, méthodique. Sans états d'âme. Sans âme, pour tout dire.
Un type qui fait froid dans le dos quand on pense à Heinrich Himmler...
Expulsion
Une poupée dans le caniveau
Un CRS qui tape
Une vieille femme jetée à terre
Un CRS qui tape
Un landeau poussé par la fenêtre
Un CRS qui tape
Une porte arrachée à ses gonds
Un CRS qui tape
Un enfant bousculé arraché à sa mère
Un CRS qui tape
L’intimité violée d’un peu de linge épars
Un CRS qui tape
Des cris et le bruit mat des chairs sous la matraque
Un CRS qui tape
Un cri plus fort encore, de rage et de folie
Un CRS qui tape
Et puis le coup de feu ramenant le silence
Un CRS qui tombe
Avec, dans l’œil, un étonnement.
Pourquoi ?