Quand je bois, au goulot, quelques lampées de la bouteille de San Pellegrino qui, sortie du frigo depuis un certain temps, tiédit lentement sur un coin du bureau en ruisselant sa sueur glacée, je me sens tout à coup part du monde.
Les premières gorgées sont tiédasses, mais soudain, l'onde fraîchit, comme si l'eau emprisonnée réservait à son inventeur profond seul, les frissons bienfaisants du froid.
Et là, je suis l'ours blanc qui sur la banquise se languit du réchauffement atmosphérique et trouve enfin un iceberg ; je suis Edmond Carré partageant un apéritif glacé avec le farouche targui étonné mais ravi ; je suis le Haroun Tazieff d'un volcan auvergnat raconté par Vialatte ; je suis la falaise où le manchot surmené trouve à ses pieds fourbus le refuge d'une glace oubliée par l'été...
Est-ce que les mêmes mains ouvrières, et opiniâtres, qui inlassablement jettent dans la bouteille toutes ces petites bulles, y précipitent aussi la fraîcheur que sublime le réfrigérateur ?
On ne se demande jamais assez d'où viennent les choses, et, surtout, vers quoi elles nous emmènent...